La pêche à pied à la palourde se porte bien dans la Manche

Publié le 8 septembre 2021 | Nos travaux, Pêche | 1 commentaire
Ce sont plusieurs centaines voire milliers de pêcheurs à pied amateurs qui se pressent sur les plages de la façade Ouest du département de la Manche lors de grandes marées à la recherche des palourdes. Cette pêche simple et accessible à tous est très réglementée : quotas, taille, outils autorisés, secteurs interdits… Dans le cadre d’un programme d’étude, des enquêtes auprès de 649 pêcheurs permettent d’évaluer l’évolution des stocks. Globalement, la pêche à pied à la palourde se porte bien sur l’ouest des côtes du département de la Manche. Toutefois, certains secteurs sont à surveiller. Des dépassements de quotas, de pêche sous taille ou dans des habitats protégés sont observés.


La palourde, une espèce prisée sur la façade Ouest de département de la Manche.

Depuis quelques années, les pêcheurs de palourdes affluent massivement sur les côtes Ouest du département de la Manche lors des marées de vives eaux. Deux espèces cohabitent, l’espèce européenne et l’espèce japonaise moins sensible à certaines maladies et qui a été importée avec le développement de l’élevage. Cette dernière est devenue très majoritaire, avec plus de 95% de prévalence par rapport à l’espèce autochtone à Blainville-sur-mer. Bien que des différences morphologiques existent, il est parfois difficile de les déterminer avec certitude pour les non spécialistes. De plus, ces deux espèces cohabitent dans le même habitat entre 2 et 5 m par rapport au zéro des cartes. Sans différence gustative, elles sont donc pêchées indifféremment. La réglementation de la pêche à pied dans le département de la Manche la considère comme unique avec un quota de 100 palourdes par jour et par personne et une taille de capture minimale de 40 mm. La pêche est interdite dans les récifs d’hermelles, dans les zostères et dans les banquettes à lanices.

Des enquêtes pour évaluer la pêchabilité de la palourde

Depuis 2015, le SMEL, associé au GEMEL-Normandie et l’association de sensibilisation à l’environnement AVRIL en collaboration avec les associations de pêcheurs amateurs, réalisent un suivi de la pêche à la palourde sur la façade Ouest du département de la Manche de Saint-Martin-de-Bréhal à Gouville-sur-mer. Une évaluation des stocks réalisée en 2015 avait permis de délimiter 6 secteurs distincts où cette espèce était présente. Depuis, une évaluation des captures par unité d’effort (la « pêchabilité ») de cette espèce est réalisée deux fois par an par sondage à la remontée des pêcheurs. Ce suivi permet de collecter des données sur le profil des pêcheurs (âge, expérience), l’engin utilisé, la durée de la pêche, le nombre de palourdes pêchées en fonction de la taille (40 à 50 mm, 50 à 60 mm, plus de 60 mm). Jusqu’en juin 2019, les comptages et mesures étaient réalisés par les pêcheurs dans le cadre d’un programme de science participative. Les pêcheurs nous retransmettaient l’information par mail, téléphone ou voie postale. Cette première approche nécessitait de nombreux contacts téléphoniques et s’est révélée assez peu fiable sur les indicateurs nombre et taille. Ainsi, à partir de l’automne 2019, l’ensemble des enquêtes est réalisé sur l’estran. A ce jour, 649 enquêtes ont été réalisées, réparties sur 5 secteurs distincts (Saint-Martin-de-Bréhal, Lingreville/Annoville, Agon-Ecole de voile, Blainville-sur-mer, et Gouville-sur-mer).

Deux techniques et 5 outils autorisés.

Deux manières de pêcher la palourde : « à l’aveugle » par grattage du sédiment ou « à la marque » en repérant les deux petits trous laissés par les siphons à la surface du sédiment. Cette dernière nécessite une adaptation ou formation pour les néophytes mais permet de moins perturber le sédiment lors de la recherche des bivalves. La réglementation dans le département de la Manche (arrêté 34/2021 du 22 février 2021) précise que cette espèce peut être pêchée :

  • au couteau (d’une longueur hors tout maximale de 20 cm et de 5 cm de largeur maximum),
  • à la griffe à dent (4 dents maximum avec un espace de 2 cm minium, d’une largeur totale de 10 cm maximum et de 6 cm de hauteur),
  • à la pelle triangulaire (d’une largeur maximale de 10 cm et d’une longueur maximale de 17 cm) ,
  • au piquot (outil avec 2 ou 3 dents espacés de 2 cm minimum)
  • au râteau (de 20 cm maximum de largeur, de dents de 7 cm maximum de longueur et de 2 cm minimum d’écartement).

Dans l’enquête, nous avons considéré 3 manières : « à la marque » lorsque le pêcheur dispose d’un outil type couteau ou 2 dents, « à l’aveugle » lorsque le pêcheur dispose d’un râteau d’au moins 4 dents et mixte lorsque le pêcheur dispose d’un engin à gratter de 3 dents. Ainsi, globalement deux tiers (67%) des pêcheurs utilisent la technique par grattage du sédiment, 20 % à la marque et 13% une technique mixte. Toutefois, ces proportions évoluent en fonction du site. En effet, sur Blainville-sur-mer, la proportion de pêcheurs « à la marque » atteint 40% (50% par grattage et 10% mixte) alors qu’à Gouville-sur-mer la proportion de pêche à la marque n’est que de 15% (76% par grattage et 9% mixte). Cette différence peut être la conséquence d’une information accrue de l’association APP2R sur Agon-Coutainville et Blainville-sur-mer qui encourage la pêche à la marque. Cela peut également être dû à des habitats différents, en effet, un habitat constitué de sédiment plus hétérogène et de cailloutis peut rendre plus difficile la « lecture » des marques.

Type de pêche

Il ne semble pas que l’âge du pêcheur ait une influence sur sa technique de pêche. Dans nos enquêtes, l’âge moyen des pêcheurs de palourdes est de 60 ans (de 11 à 82 ans sur notre échantillonnage). Par contre, il semble que les pêcheurs débutants pratiquent moins la pêche à la marque (11%) que les pêcheurs habitués ou expérimentés (21 et 23 %).

Des paniers de pêche bien remplis mais parfois mal remplis.

Le « panier » est la quantité de palourdes pêchées sur une journée. Le panier moyen était de 44 palourdes en 2015 et 2016. Il augmente sensiblement à 71, 73, et 74 en 2018, 2019, et 2020. Il atteint même 102en septembre 2019 et 106 en juillet 2020 sur Saint-Martin-de-Bréhal, démontrant ainsi un dépassement du quota (100 palourdes par pêcheur et par jour) parfois important ; 50% des paniers dépassaient le quota.  Des paniers moyens de 100 à Lingreville et 101 à Blainville-sur-mer en 2020 démontrent la présence massive de palourdes sur ces sites. Les paniers sont en grande majorité composés de palourdes de 40 à 50 mm de longueur. La proportion de palourdes supérieures à 50 mm est inférieure à 5%, sauf à Agon-Coutainville où cette proportion atteint 10% en septembre 2019 et juillet 2020 et même 19% en octobre 2020. Parallèlement, le panier moyen de ce secteur est plus faible que la moyenne (entre 30 et 60). Quelques très grosses palourdes (supérieures à 60 mm) sont trouvées sur les différentes sites mais leur proportion est inférieure à 1%.  Le 8 juillet 2020, une palourde de 69 mm a été pêchée à Blainville-sur-mer, l’âge de cette palourde peut être estimée à plus de 6 ans. Pour rappel, sur le secteur de Gouville-sur-mer, une palourde met 3 ans et 4 mois pour atteindre 40 mm. La plupart des pêcheurs respectent la taille minimale de 40 mm mais certains paniers montrent parfois 50 % de sous taille.

Ces données sur la taille sont difficiles à comparer avec les données des années précédentes qui étaient basées sur les mesures réalisées directement par les pêcheurs et qui ont démontré les limites des sciences participatives.

Le rendement est le nombre de palourdes (>40mm) récoltées en une heure. Il était d’environ 30 palourdes/heure en 2015 et 2016 mais a tendance à augmenter pour atteindre une moyenne de près de 50 ces dernières années, montrant des densités de palourdes en hausse, Blainville-sur-mer montrant les rendements les plus élevés. Toutefois, le rendement s’effondre en 2021 sur certains secteurs tels que Lingreville.

Globalement, la pêche à pied à la palourde se porte bien sur l’Ouest des côtes du département de la Manche mais certains secteurs sont à surveiller comme Agon-Coutainville où les rendements restent faibles malgré des palourdes de belles tailles. Le site de Lingreville est également à surveiller avec des rendements en forte baisse lors de la dernière campagne. Il est à noter également que malgré la fermeture de la pêche à la pointe d’Agon le retour des palourdes se fait attendre…

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