Une décennie de suivi de la productivité mytilicole

Publié le 9 juin 2016 | Cultures marines, Nos travaux |
A travers son réseau REMOULNOR, le SMEL suit la productivité des principaux bassins mytilicoles normands depuis 2004. Ce suivi, basé sur deux approches complémentaires (suivi de production sur pieu et suivi de productivité standard), permet de visualiser l’évolution d’une des productions majeures de la région. Aussi, après une décennie d’observations, un travail de synthèse a été entrepris pour dégager les principales tendances obtenues.


Rappel des objectifs du réseau REMOULNOR

L’objectif principal du REMOULNOR est d’acquérir des séries historiques temporelles et spatiales permettant de décrire l’évolution de cette production mytilicole.

Structuration du réseau REMOULNOR

Pour répondre à cet objectif, le SMEL a mis en place et développé différentes méthodologies sur 7 sites de production :

  • Un suivi de la productivité sur pieux après un an d’élevage: Évaluation des poids bruts et nets de moules produits et caractérisation des moules commercialisables en termes de croissance (longueur de coquille) et de qualité de chair (taux de remplissage en poids sec).
  • Un suivi de la productivité standard sur un cycle annuel permettant une lecture saisonnière de cette croissance et qualité des moules au sein d’une année de production.

Caractérisation des sites mytilicoles normands : une variabilité spatiale avérée

La production mytilicole normande est riche et variée. Plus ou moins proches d’estuaires (Sienne sur la côte Ouest, la Baie des Veys sur la façade orientale de la Manche), les sites de production suivis se caractérisent par des productivités sur pieux différentes. La productivité décennale moyenne normande est de 39 Kg de moules par pieux (graphique 1). Trois sites présentent des poids nets moyens de moules les plus forts, compris entre 44 et 46 Kg : Agon et Hauteville (côte Ouest Cotentin) et Utah (Côte Est Cotentin). Le site de la Roquette (Chausey) présente un poids net moyen proche de la moyenne régionale avec 40 Kg de moules par pieux. Les sites de Pirou et Huguenans (Chausey) présentent des poids nets moyens d’environ 35 Kg de moules par pieux. Enfin, le poids net moyen de moules du site de Bricqueville est de 30 Kg.

En termes de longueur de coquille (graphique 2), les moules produites à Hauteville, aux Huguenans et à la Roquette (Chausey) sont de longueurs moyennes supérieures avec des tailles allant de 43,5 cm à 44,5 cm. Celles produites à Utah et Agon sont de longueurs moyennes proches de la moyenne décennale régionale (42,8 cm). Les moules les moins longues sont celles produites à Bricqueville (41,2 cm) et Pirou (40 cm).

Enfin, les moules présentant les plus forts taux de remplissage (graphique 3) sont produites à Hauteville et Utah. Celles produites à Agon et à la Roquette (Chausey) présentent des taux de remplissage similaires à la moyenne décennale régionale. Les taux de remplissage les plus faibles sont observés avec les moules de Huguenans (Chausey), Bricqueville et Pirou.

 

Une production qui varie dans le temps

Le poids net régional moyen de moules commercialisables produites par pieu a connu de grandes variabilités entre 2004 et 2015 (graphique 4). S’il reste relativement stable de 2004 à 2006, il augmente fortement en 2007 (+40 % par rapport à 2006). Puis, après être revenu en 2008 à des valeurs similaires à celles initialement observées, il chute très nettement pour atteindre un minimum d’environ 30 Kg en 2010. A partir de 2011, la production nette repart à la hausse, atteignant en 2012 et 2013 des valeurs proches de la moyenne décennale et enfin très nettement supérieures en 2014 et 2015 atteignant des valeurs observées en 2007.

L’évolution de la longueur moyenne régionale des moules commercialisables (graphique 5) est elle aussi caractérisée par un premier pic mais cette fois-ci observé en 2008, et suivi par la même chute importante centrée sur l’année 2010. Par contre, si les moyennes régionales augmentent ensuite, elles restent stables (autour de 41 mm) de 2011 à 2014. Il faut attendre 2015 pour voir une très nette augmentation atteignant la moyenne décennale (42,8 mm).

D’autre part, le taux de remplissage moyen régional des moules commercialisables suit une évolution marquée par des valeurs fortes et stables de 2005 à 2008, puis une chute importante toujours centrée sur 2010 (graphique 6). S’ensuit une légère hausse de 2011 à 2013 puis une seconde augmentation beaucoup plus forte à partir de 2014 atteignant, en 2015, des valeurs proches de celles observées au début de la période considérée.

Ces fluctuations de production peuvent être expliquées par plusieurs hypothèses. La première concerne les variations des conditions climatiques (direction vents, efflorescence phytoplanctoniques) qui, sur la période considérée, ont très certainement eu un impact (Rodriguez, 2013), expliquant notamment la faible production autour de 2010. La seconde concerne les cycles de croissance qui en découlent, suivant l’alternance de déficits et abondances de nourritures du milieu (assez bien corrélés avec les taux de remplissages). Enfin, les pratiques culturales peuvent être source également de variation. De 1989 à 2006, les biomasses de moules en élevage étaient en constante augmentation notamment sur le côte Ouest Cotentin (Nogues et al, 2006). Cependant, notons qu’à partir de l’été 2011, la profession mytilicole normande a mis en place une limitation à 70 % du taux d’ensemencement des pieux des secteurs de la côte Ouest. Ainsi, sur cette dernière partie de la décennie étudiée, cette pratique vertueuse a pu contribuer à améliorer la productivité mytilicole à l’échelle des secteurs de production concernés.  Malgré tout, la profession se doit de rester vigilante car, si le facteur trophique de ces dernières années est plutôt favorable, les biomasses en élevage sont également sources de modulation et ne sont pas toujours maîtrisable (effectif des naissains de moules sur les cordes, effectif des moules commercialisables après tri). Ainsi, comme le montre l’évolution de la longueur des moules commercialisables, l’amélioration en termes de taille du produit final se fait sentir plus tardivement que l’amélioration de la productivité nette.

Une évolution saisonnière

Le suivi standard permet de visualiser au sein de chaque année les rythmes saisonniers expliquant la productivité nette finale (Cohérence des deux méthodes montrée statistiquement). Le paramètre le plus corrélé avec les paramètres de production est le taux de remplissage (exprimé en poids sec indice de Wayne et Mann). Ainsi, les meilleures années de production vont de pair avec de forts gains de taux de remplissages obtenus au printemps et en été (dernière moitié d’un cycle annuel). A l’inverse, les années de faibles productions nettes, sont fortement corrélées avec de forts gains de taux de remplissage obtenus en hiver (caractéristiques retrouvées autour de 2010). Là encore, la variabilité interannuelle des facteurs climatiques joue un rôle majeur (graphique 7).

Historique des mortalités

Le suivi des mortalités est réalisé dans le cadre du suivi standard des moules en panier (graphique 8). De 2004 à 2014, dans une très grande majorité des cas, ces mortalités sont associées à la présence de prédateurs tels que les bigorneaux perceurs, impactant plus particulièrement des secteurs comme Agon (Basuyaux, 2012).

Surveillance du Mytilicola

Suite aux très préoccupantes années de faible production, le SMEL a initié des investigations concernant un parasite de la moule, Mytilicola intestinalis (Basuyaux, 2011). Après cette étude, qui a notamment permis de mettre au point une méthodologie pour dénombrer ce parasite, un suivi annuel a été mis en place dans le cadre du réseau REMOULNOR depuis 2011. Les résultats obtenus montrent que le risque associé à Mytilicola est faible à assez faible dans notre région (graphique 9).

Pour contacter le responsable de l'étude...
[contact-form-7 id="518" title="Formulaire de contact Jean Louis Blin"]

Le rapport est bientôt disponible en téléchargement

Partagez cet article :

Les commentaire sont fermés.