Démarré en 2021, le projet GEDUBOUQ (Vers une GEstion DUrable des pêcheries de BOUQuets en Normandie) étudie l’état des stocks de bouquet (Palaemon serratus) sur les côtes normandes. Une diminution des populations de bouquets en Normandie a été observée depuis quelques années. Les causes et les conséquences de cette diminution sont étudiées dans ce projet. Des prélèvements de Palaemon serratus sont donc réalisés sur différents sites normands. Il est apparu que deux parasites de la crevette étaient présents sur la côte ouest de la Manche, notamment à Blainville-sur-Mer : le bopyres et le fécampia. Ces parasites sont facilement repérables à l’œil nu sur les bouquets. Pour le bopyre, une protubérance marquée au niveau de la cavité branchiale est caractéristique. Pour le fécampia, un ver plat de quelques millimètres est visible par transparence à travers la carapace dans le céphalothorax des bouquets . Par définition, un parasite vit aux dépens d’un hôte (ici le bouquet) qui lui donne un environnement et les éléments nutritifs nécessaires à sa survie. Les effets sur l’hôte peuvent être plus ou moins importants. Peu de données récentes sur les conséquences physiologiques et biologiques du parasitisme du bouquet sont disponibles dans la littérature. Les observations réalisées dans le cadre du projet Gedubouq vont permettre de mieux comprendre les interactions parasite-bouquet et les impacts de ces parasites sur Palaemon serratus.
Le bouquet Palaemon serratus parasité par un bopyre. La différence de couleur entre les deux protubérances est liée à la présence d’œufs de bopyre entre le corps de la bopyre femelle et la carapace de la cavité branchiale [1a-(https://www.nature22.com) 1b-(https://doris.ffessm.fr)]
Le bopyre : Bopyrus squilllarum (Latreille, 1802)
Les bopyres sont des isopodes avec de grandes différences physiques entre les mâles et les femelles. Les bopyres visibles à l’œil nu à travers la carapace dans la cavité branchiale sont des femelles. Le mâle, bien plus petit, vit entre les pattes de la femelle bopyre, au niveau de son appareil reproducteur.
Les larves de bopyres sont pélagiques, elles vivent dans la colonne d’eau. La larve parasite son hôte temporaire, un copépode pélagique. Elle parasite dans un second temps son hôte définitif, la crevette. Elle se métamorphose et se fixe dans la cavité branchiale. Le bopyre va alors grandir et se reproduire à son tour. Il puise les éléments nécessaires à sa survie et à sa reproduction directement dans les branchies de la crevette. Le bopyre reste dans la cavité branchiale pendant toute la durée de vie de son hôte (3 ou 4 ans).
Quelles sont les conséquences du bopyre chez le bouquet Palaemon serratus ?
En demeurant dans la cavité branchiale, la femelle bopyre obstrue les voies respiratoires, diminuant les apports en oxygène du bouquet de près de 20%. Ensuite, elle ponctionne directement ses nutriments dans la branchie du bouquet, diminuant les quantités disponibles pour la crevette. Les ressources énergétiques chez le bouquet parasité sont moins importantes, ce qui peut impacter sa croissance, mais également ses performances, et donc sa survie.
La présence d’un bopyre semble avoir un impact sur la reproduction de Palaemon serratus. Les observations réalisées au cours de l’année 2021 à Blainville-sur-Mer montrent que parmi les bouquets bopyrisés, 67% sont des femelles et 33% sont des mâles. Parmi les femelles bopyrisées, aucune ne porte d’œufs et ce pendant toute la période de reproduction (mars à juillet).
Pourcentage de bouquets parasités à Blainville sur mer en 2021
Chaque mois depuis février 2021, le nombre de crevettes bopyrisées par rapport au nombre de crevettes saines est comptabilisé (Figure ci-dessous). Le pourcentage de crevettes bopyrisées à Blainville-sur-Mer est de 3 à 11%.
La répartition géographique de Bopyrus squilllarum (Latreille, 1802)
En Normandie, les bouquets parasités par les bopyres n’ont été trouvé que sur la côte Ouest de la Manche (Portbail, Denneville, Blainville-sur-Mer). Aucun bouquet parasité n’a été trouvé sur l’estran de Grandcamp-Maisy, sur la côte du Calvados. Des bouquets parasités ont également été trouvés près des Iles Chausey (Figure ci-dessous).
De manière plus générale, les cas de parasitisme lié aux bopyres ne sont pas réservés à la Normandie. Des crevettes bopyrisées ont été trouvées, par exemple, en Mer Noire et près des côtes Sud de la Turquie.
Le ver plat fécampia : Fecampia erythrocephala (Giard, 1886)
Le ver plat Fecampia erythrocephala est un hermaphrodite. Le fécampia adulte est visible par transparence à travers la cuticule au niveau du céphalothorax. Il mesure entre 5 et 12 mm de long. Sa couleur évolue au fur et à mesure de son développement, passant de translucide à blanc/rose. Son extrémité antérieure est rouge. Le ver est présent dans la crevette au cours de sa première phase de vie adulte ; il grandit et commence sa maturation sexuelle. Il quitte ensuite le corps de la crevette pour terminer sa reproduction ; il se fixe sur le fond et se transforme en cocon, à l’intérieur duquel vont se former et se développer les œufs. Après éclosion des œufs, les larves quittent le cocon, se développent et les vers adultes vont parasiter de nouveaux hôtes.
Quelles sont les conséquences du fécampia pour le bouquet Palaemon serratus ?
Le fécampia adulte se situe sous la carapace et il se déplace par petits mouvements successifs sur les organes internes pour aller puiser les nutriments dont il a besoin directement dans l’épithélium de la crevette. Du fait de sa présence, le fécampia déforme et comprime les organes internes (glande digestive et appareil reproducteur). La plupart des bouquets parasités sont des femelles. Les mouvements répétés du ver dans la cavité céphalothoracique entraînent une déformation des ovaires et une altération des ovocytes, conduisant à une fécondité moins importante chez les femelles parasitées que chez les femelles saines.
Observations de fécampia en 2021 à Blainville-sur-Mer
Seulement trois observations de fécampia ont été faites sur la totalité des prélèvements réalisés à Blainville-sur-Mer depuis février 2021. De même que pour le bopyre, aucune observation de fécampia n’a été faite à Grandcamp-Maisy, dans le Calvados. Cependant, il a déjà été observé en Bretagne dans les baies de Concarneau et de Douarnenez. Les observations sur les différents sites normands vont se poursuivre afin d’établir une cartographie plus détaillée.
Incidence sur la consommation humaine
Les parasites ont des effets néfastes pour le bouquet via la compétition pour les nutriments et les ressources mais il n’existe aucune donnée à l’heure actuelle qui indiquerait une toxicité pour l’homme de ces parasites. De plus, les parasites identifiés (bopyre et fécampia) se situent dans le céphalothorax des crevettes et par conséquent ne se situent pas dans la partie consommable du bouquet (l’abdomen), et ne sont donc pas ingérés par les consommateurs.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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https://doris.ffessm.fr/Especes/Bopyrus-squillarum-Bopyre-des-crevettes-1787
https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/377860
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