D’une part parce que la sargasse présente, le long du littoral normand, des foyers de forte densité potentiellement exploitables . D’autre part parce qu’elle contient des composés biochimiques (tels que les alginates, fucoïdanes, laminaranes, le mannitol, les composés phénoliques) intéressants pour leurs propriétés (gélifiants, épaississants, antioxydants, antibactériens, anti-inflammatoires, biostimulation des plantes, etc.). Ces composés biochimiques sont d’ailleurs déjà extraits chez d’autres algues brunes et valorisés en alimentaire, agriculture, pharmaceutique et cosmétique.
Quelles molécules sont intéressantes dans les sargasses ?
Les teneurs des composés biochimiques présents dans les sargasses ont été déterminées pendant les trois ans du projet SNOTRA sur les 4 sites d’étude de la côte ouest de la Manche et les 2 sites d’étude de la côte du Calvados (lien carte).
Les alginates représentent en moyenne 18 % de la matière sèche (MS) de la sargasse, les fucoïdanes 4.9% /MS, les laminaranes 1.7 % /MS, le mannitol 7.8 % /MS et les composés phénoliques 2.7% /MS.
Certains composés varient au cours des mois (variation annuelle). La majorité des composés étudiés suivent une évolution saisonnière comme les fucoïdanes (polysaccharides composant la paroi cellulaire), les laminaranes (polysaccharides de stockage), le mannitol (osmorégulateur), les composés phénoliques (métabolites secondaires intervenant dans la protection de l’algue) ont des teneurs significativement plus élevées durant la période estivale (Figure 1).
La teneur de certains composés peut aussi varier d’une année à l’autre (variation interannuelle). Par exemple, les fucoïdanes ont des teneurs supérieures en 2018 et 2019 par rapport à celles observées en 2017 (Figure 2).
Enfin, la teneur de certains composés peut être significativement plus élevée sur certains sites ou suivant le département (variation inter-sites). Par exemple, les composés phénoliques ont des teneurs plus élevées sur les sites de la Manche (Figure 3).
Comment transformer la sargasse ?
De premiers essais en laboratoire ont consisté à déterminer le ou les protocoles d’extraction les plus efficaces en termes de rendement en composés biochimiques ciblés. Différents paramètres ont été testés : le prétraitement des sargasses (fraîches, séchées à différentes températures), la taille de coupe des sargasses, la température lors de l’extraction, le mode d’extraction (en eau ou avec un acide), la nature des solvants acides, la concentration des solvants acides.
Dans un second temps des essais d’extraction à l’échelle pilote ont été réalisés. Cela a permis d’adapter les protocoles d’extraction sélectionnés en laboratoire à une échelle semi-industrielle, et d’estimer les rendements ainsi que les coûts de production. Entre 150 à 200 kg de sargasses sont processés lors d’un essai pilote (Figure 4).
Figure 4. Pilote d’extraction présent à ALGAIA (à gauche). Ce pilote de Bioraffinerie a été en partie financé au sein du projet GENIALG, sous le programme Horizon 2020 Recherche et Innovation de l’Union Européenne (accord de financement 727892 – GENIALG). Extrait liquide obtenu après l’étape d’extraction (à droite).
Pour quelles utilisations ?
Des extraits de sargasse ont été testés dans trois domaines différents : cosmétique, pharmaceutique et maraîchage.
En cosmétique et pharmaceutique, des tests d’activité antioxydante, anti-inflammatoire, anti-âge, de dépigmentation, anti-UV, antivirale HSV1 humaine, antivirale EHV1 équin et cicatrisante ont été réalisés à partir de 6 extraits de sargasses différents. Les résultats sont engageants : aucune cytotoxicité n’a été décelée et certains extraits ont une intensité d’activité moyenne. Trois extraits ont montré une activité intéressante en antioxydant, dont deux avec aussi une activité anti-âge. De plus, sur les six extraits testés, trois ont été actifs en test d’activité anti-inflammatoire. Concernant les tests de bioactivités orientés pharmaceutique, cinq extraits ont eu une activité cicatrisante dont deux où l’activité était très intéressante, et un extrait a montré un fort potentiel pour son activité anti-virale sur un virus équin. Ces résultats de bioactivités sont très intéressants et présentent des pistes de valorisation mais ces tests restent toutefois à poursuivre.
En maraîchage, c’est l’activité biostimulante qui est recherchée. Un biostimulant n’est pas un engrais, mais favorise la résistance des plantes face aux stress abiotiques (hydrique ou salin) et biotique (bioagresseurs) ou encore facilite l’absorption des nutriments, etc.
Le processus d’évaluation de l’activité biostimulante des différents extraits de sargasse a été réalisé en trois étapes : par des tests en laboratoire sur la germination des graines, ce qui permet un screening des différents extraits et des doses ; par des tests en serre, ce qui permet de vérifier l’innocuité des extraits précédemment sélectionnés ; par des tests en plein champ, ce qui permet de valider l’efficacité des extraits (Figure 5).
Ces tests ont été réalisés sur des cultures de poireaux, carottes et salades.
A l’issue des tests en laboratoire, les extraits ayant une action positive sur la germination ont été sélectionnés. Lors des tests en serre, aucun des extraits sélectionnés en laboratoire n’ont présenté de phytotoxicité vis-à-vis des cultures. Enfin, les tests réalisés en plein champ confirment eux aussi l’innocuité des extraits sélectionnés ainsi que la faisabilité quant à l’application des extraits par pulvérisation. L’effet des propriétés biostimulantes à l’échelle d’un champ s’observe au travers de tendances, de nouveaux tests sont donc nécessaires pour confirmer ou infirmer l’effet biostimulant des extraits sélectionnés.
Figure 5. Test de germination de graine de carotte en laboratoire (en haut à gauche). Test de germination et pousse de carotte en serre (en haut à droite). Test de pousse de salade en plein champ (en bas). (source : Sileban)
Autre propriété analysée en agriculture : le potentiel de fixation du sol par des extraits d’alginates de sargasse. De premiers tests en soufflerie ont été réalisés sur des barquettes de sable ayant été au préalablement pulvérisées par différents extraits d’alginate de sargasse (Figure 6). Il y a un potentiel de fixation de la couche superficielle. Ces expériences sont elles aussi à approfondir vis-à-vis du dosage et des techniques d’application, de l’innocuité des alginates sur les cultures, de la possibilité de germination au travers de la pellicule formée et de la durée de vie de la pellicule.
Figure 6. Test en soufflerie : la barquette soumise aux rafales est placée au centre (flèche rouge) (à gauche). Barquettes de sable avec couche d’alginate de sargasse avant et après le test en soufflerie (à droite). (source : Sileban)
Pour conclure
L’ensemble des résultats présentés dans cet article (composition de la sargasse, méthode d’extraction, tests des bioactivités) sont positifs et prometteurs. La sargasse a tout son potentiel pour être valorisée, et ce, à une échelle industrielle.
Les différents tests de bioactivités agricoles, pharmaceutiques et cosmétiques et de fixation des sols sont néanmoins à affiner. La création de produits finis commercialisables nécessite aussi d’être abordée. Et les essais de récolte de la sargasse par moyen mécanisé sont à poursuivre .
Ainsi, le projet « SNOTRA 2 » sera bientôt mis en place avec l’ensemble des partenaires techniques initiaux afin de mener à terme le projet de valorisation de la sargasse en Normandie.
Partenariat technique
Partenariat financier
Natif et résident normand je suis rès interessé parme former, m’engager et intégrer cette filière en création. Merci de me contacter à ces fins.
Bonjour,
Je suis Sébastien Pien, responsable du projet SNOTRA qui cherche à initier une filière autour des sargasses. Si vous le souhiatez, je vous invite à me contacter à l’adresse suivante : spien@smel.fr. Cordialement.