Les néréis, des espèces bioindicatrices dans le cadre d’études écotoxicologiques.

Publié le 3 mai 2022 | Mer & Littoral, Nos travaux |
L’utilisation des anodes galvaniques est de plus en plus utilisée pour protéger les structures maritimes de la corrosion. Ces dernières lors de leur dégradation libèrent des métaux pouvant impacter la qualité du milieu environnant. Afin d’évaluer leurs potentiels effets, une étude écotoxicologique a été menée au SMEL en collaboration avec BOREA. Ce projet s’inscrit dans le cadre de la thèse d’Alexandre Levallois dont le but est d’étudier les contaminants métalliques issus de la dégradation des anodes galvaniques dans le milieu marin et de mesurer les effets potentiels sur quelques organismes marins. Cette expérimentation apportera des informations complémentaires quant aux comportements des métaux (formes, concentrations) libérés par l’anode galvanique dans le sédiment et leurs potentiels impacts sur un organisme fouisseur.


Face à l’impact des polluants sur les milieux naturels, des outils variés au service des diagnostics environnementaux

Situé à l’interface continent-océan, l’estuaire reçoit des nombreux polluants d’origines anthropiques tels que les pesticides, les métaux ou encore les microplastiques. Une partie d’entre eux transitera vers l’océan alors que d’autres auront tendance à se concentrer dans l’estuaire et notamment dans le sédiment. Les zones estuariennes abritent une importante biodiversité et jouent un rôle crucial pour plusieurs espèces d’oiseaux, d’invertébrés et de poissons. Afin de protéger ces milieux, les premières lois et législations ont été mises en place dans les années 70 par différents organismes de gestion reconnaissant les risques engendrés par les polluants sur l’environnement. C’est dans ce cadre que le terme écotoxicologie a été introduit par René Truhaut afin de rassembler le domaine de l’écologie et la toxicologie et d’analyser l’effet d’un composant chimique sur un individu ou un groupe d’individus. Au cours des années ce terme s’est développé et de nouveaux outils ont permis d’affiner les études.

Des biomarqueurs comme paramètres d’évaluation de la qualité de l’environnement.

Aujourd’hui les biomarqueurs sont de plus en plus employés afin de surveiller la pollution marine et d’établir un diagnostic environnemental. Ces paramètres biochimiques, cellulaires ou comportementaux se mesurent sur les tissus d’un organisme ou sur un organisme entier et mettent en évidence une exposition à un contaminants. Il peut s’agir de mesures sur le métabolisme de stress général (allocation énergétique cellulaire, résistance à l’exondation…), le métabolisme de défense à l’échelle cellulaire/moléculaire ou encore les taux physiologiques (consommation d’oxygène, de nutriment…).

Des espèces bioindicatrices permettant de caractériser l’état écologique du milieu.

Des espèces dites bioindicatrices sont également fréquemment utilisées. Ces dernières de par leur présence et/ou leur absence renseignent sur la qualité du milieu, des descripteurs de la structure de ces communautés peuvent également être employés afin d’affiner le diagnostic.  Une bonne espèce bioindicatrice doit être facilement identifiable, abondante, capable d’accumuler le polluant d’intérêt dans son milieu ambiant et tolérante aux variations des paramètres environnementaux (pH, salinité…). Parmi elles plusieurs exemples peuvent être citées comme les amphibiens pour la qualité des zones humides, les moules marines pour la qualité des eaux côtières ou encore les vers polychètes tels que les néréis pour les estuaires. Ce dernier a été utilisé dans plusieurs tests écotoxicologiques sur les métaux et a également été choisi dans le cadre du projet ANODE au Smel (Blainville-sur-mer) dont le but est d’étudier l’impact des produits de dégradation des anodes galvaniques sur le compartiment sédimentaire.

Le néréis, un ver marin aux nombreux intérêts biologiques, scientifiques et économiques.

L’air de répartition des néréis s’étend de la Méditerranée, jusqu’à la Manche et la Mer du nord, principalement dans des zones sablo-vaseuses à faibles hydrodynamismes. Ce polychète joue un rôle majeur dans le fonctionnement des écosystèmes côtiers notamment par son activité de bioturbation du sédiment. Etant l’un des premiers maillons de la chaine alimentaire, il représente également une ressource pour de nombreuses espèces de crustacés, d’oiseaux et poissons de l’estuaire. D’un point de vue scientifique, les néréis sont de bons indicateurs de la diversité et qualité du milieu et sont souvent utilisés dans le cadre de diagnostics environnementaux. Enfin, cette espèce présente un intérêt économique pour plusieurs pays, elle est élevée dans divers fermes de production (au Pays-Bas avec Topsy Baits, en Angleterre, et hors Europe tel que l’Australie, la Chine) et est commercialisée en tant qu’appât pour la pêche récréative et compléments alimentaires pour poissons et crustacés d’élevage. Topsy Baits est le plus grand fournisseur d’appât vivant d’Europe, plus de 1 000 T de néréis sont produits chaque année. Ces derniers sont exportés vivants à plus de 14 pays et jusqu’à 40 pays s’approvisionnent en néréis congelés dans le cadre de l’industrie aquacole.

Caractéristiques biologiques des néréis 

Ces annélides polychètes se caractérisent par la présence de segments répartis le long du corps et portant des excroissances appelées parapodes ayant un rôle dans la locomotion. 2 mécanismes sont impliqués ; pour un mouvement lent sur une surface meuble seuls les parapodes sont actifs, dans le cas d’un déplacement plus rapide les parapodes sont associés aux muscles longitudinaux permettant aux individus de nager par ondulation. Parmi les différentes espèces, Hediste diversicolor et Alitta virens sont les plus communes. Ces dernières se distinguent par leur taille et leur couleur, Alitta virens est souvent plus grande (jusqu’à 250mm) et de couleur vert foncé. Ils sont présents en zone intertidale sur des substrats meubles leur permettant de creuser des galeries en forme de U. Leur régime alimentaire est assez varié et dépendant de l’environnement dans lequel ils se trouvent et de leur stade de développement. Principalement détritivore à l’état juvénile, ils deviennent plutôt carnivores à l’âge adulte et sont également capables de se nourrir par filtration de l’eau de mer. Enfin cette espèce est dite sémelpare dans la mesure où elle ne se reproduit qu’une seule fois, à l’âge de 2 à 3 ans, et meurt après émission des gamètes.

Le choix des néréis comme bioindicateur au cours d’une étude écotoxicologique au SMEL

Dans le cadre de la thèse d’Alexandre Levallois (Borea, Université de Caen lancée le 1er décembre 2019) et du programme de recherche ANDOE, plusieurs expérimentations ont été menées au Smel. L’objectif de ce projet est d’étudier les contaminants métalliques issus de la dégradation des anodes galvaniques dans le milieu marin et de mesurer les effets potentiels sur quelques organismes marins. Alexandre Levallois s’est dans un premier temps concentré sur les micro-algues, l’huitre creuse, Crassostrea gigas puis sur l’ormeau Haliotis tuberculata. Récemment, certaines études ont montré que les métaux se concentraient davantage dans le sédiment. Afin d’étudier l’ensemble des compartiments et d’avoir une vision la plus globale possible sur l’impact de la dégradation de l’anode, un nouvel axe d’étude a été lancé. L’objectif est d’étudier dans le compartiment sédimentaire principalement, le comportement des métaux libérés par les anodes galvaniques et leurs potentiels impacts sur une espèce bioindicatrice, Hediste diversicolor. Celui-ci présente en effet toutes les caractéristiques d’un bon bioindicateur, facilement identifiable et présent sur les côtes de la Manche, il est capable d’accumuler les métaux d’intérêts. Tolérant aux variations de pH, salinité et température, les conditions d’élevage ne sont pas contraignantes ce qui facilite l’expérimentation.

Les tests d’exposition seront menés dans le cadre d’une contamination chronique (faibles doses sur quelques mois) à l’aide d’un dispositif reproduisant la dégradation d’une anode. Les néréis sont répartis dans des bacs remplis d’eau de mer et de sédiment. Au cours de l’expérimentation, des prélèvements d’eau et de sédiment sont réalisés afin de suivre l’évolution des concentrations en métaux. La mortalité et la bioaccumulation sont également suivies via des prélèvements de néréis.

Les résultats apporteront des précisions quant aux comportements des métaux (formes, concentrations) libérés par l’anode galvanique dans le sédiment et leurs potentiels impacts sur un organisme fouisseur. Dans le même cadre, des études écotoxicologiques en lien avec les anodes galvaniques seront menées sur des seiches et des larves d’oursins. 

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