Évolution des mortalités de naissain d’huîtres entre 2009 et 2017

Publié le 18 août 2017 | Cultures marines, Nos travaux |

Depuis 2008 le monde ostréicole subit chaque année des mortalités touchant les naissains d’huîtres creuses. Imputé principalement à la présence de l’herpes virus OsH-V1, ce phénomène est malheureusement devenu un rendez-vous incontournable pour la mise en élevage des huîtres de France. Depuis son apparition, de nombreux suivis ont pu être mis en place. A ce titre, depuis 2009, le SMEL dans le cadre de diverses collaborations, poursuit l’évaluation de ces mortalités dont voici un aperçu.



Un suivi effectué dans un cadre général.

Le phénomène de mortalité des naissains d’huîtres creuses a fait l’objet de nombreuses études. Une part importante des efforts mis en place concernait l’observation de l’intensité de ces mortalités récurrentes sur des lots identifiés, complétant les informations recueillies dans le cadre des déclarations faites par les professionnels.

A ce titre, le SMEL, dans le cadre de diverses collaborations avec les centres techniques régionaux (SMIDAP, CREAA et CEPRALMAR) ou les partenaires normands du CRH, recueille chaque année des informations sur l’évolution des mortalités de naissain. En fonction des objectifs, différentes origines de naissain sont suivies depuis 2009. Toutefois,trois lots d e jeunes huitres constituent un point commun dans tous ces suivis : il s’agit d’un lot de captage de Charentes Maritimes et deux lots d’écloserie pris directement en sortie de nurserie, l’un diploïde et l’autre triploïde. De nombreuses études sur ce phénomène ont souvent mis l’accent sur la très forte variabilité de réponse face aux mortalités en fonction de la nature même des lots de naissain rendant parfois très difficile l’évaluation précise de l’intensité globale du phénomène (variabilité en fonction de la robustesse intrinsèque de différents naissains, de leurs conditions physiologiques, portage plus ou moins important des naissains en herpes virus avant la mise en élevage, sites d’élevage plus ou moins impactés en fonction de leur isolement et de la connectivité entre secteurs, contamination entre cheptels plus ou moins importante en fonction de l’hydrodynamisme des sites et du nombre de lots de naissains différents implantés dans les secteurs, etc.).

Ainsi les résultats, qui sont présentés ici sur 9 années, n’ont pas la prétention d’apporter une image exacte de ce qui se déroule sur l’ensemble des secteurs ostréicoles concernés mais doivent être considérés comme un exemple d’observation de l’évolution interannuelle des mortalités, puisque reposant sur des suivis réalisés dans les mêmes conditions et selon les mêmes procédures.

L’optimisation du diagnostic initial sur les lots de naissains avant leur mise en élevage a permis dans certains cas de pouvoir apprécier l’importance d’une contamination initiale intrinsèque des huîtres par rapport à une contamination intra-secteur avérée. Ainsi, à partir de 2011, afin de mieux connaître le niveau de contamination des lots étudiés, sont effectués des analyses du virus (qPCR) et des conditionnements des lots étudiés en milieu contrôlé (méthode développée par Ifremer : Petton et al, 2013).

Méthode utilisée pour l’évaluation de la mortalité.

Des poches ostréicoles contenant 1 000 à 2 000 individus par poche avec des sous-échantillons de 100 individus destinés aux comptages (Méthode de comptage Royer et al, 2007) sont constituées au printemps (mars) et déposées sur deux sites normands : Blainville sur mer sur la côte ouest du Cotentin (CW) et St Vaast-la-Hougue sur la côte est du Cotentin (CE). Les visites de comptage sont réalisées à chaque marée de vives eaux. Le taux de mortalité ainsi relevé à chaque visite est appelé « taux de mortalité instantanée ». Le taux de mortalité cumulée présenté ici est obtenu pour chaque date par le calcul suivant :

Mortalité cumulée = ( 1 – (Sti-1 x Sti) ) x 100

Avec Sti-1 = taux de survie de la précédente observation et   Sti = Taux de survie du jour 

Évolution des mortalités à Blainville-sur-mer (côte ouest du Cotentin) de 2009 à 2017.

Les premiers constats de mortalités avérées (taux de mortalité instantanée > 10%) sont généralement faits au cours de la première quinzaine de juin exception faite des années 2012 et 2013 pour lesquelles les premières mortalités sont observées au cours de la seconde quinzaine de juin (respectivement 20 et 24 juin). Dans tous les cas, ces constats sont toujours postérieures aux premières déclarations des professionnels du secteur.

Ces premiers constats sont très souvent réalisés à la même date sur les lots de captage comme d’écloserie. Dans 3 cas sur 9 pour le lot diploïde d’écloserie et dans 4 cas sur 9 pour le lot triploïde, les mortalités apparaissent après celles du lot de captage.

L’intensité du phénomène au moment de ce premier constat est variable en fonction des années. Le taux moyen inter annuel de mortalité instantanée lors de la première observation est de 47% pour le lot de captage contre 34% pour les diploïdes et 37% pour les triploïdes.

Certaines années, l’apparition des mortalités est particulièrement brutale avec des taux de mortalité instantanée supérieurs à 50%. C’est le cas en 2012, 2013 et 2017 sur le lot de captage ; en 2012 et 2013 sur le lot diploïde et en 2009 et 2010 pour les triploïdes.

La durée pendant laquelle le taux de mortalité instantanée reste supérieur à 10% varie également en fonction des années allant de 12 à 72 jours en fonction des lots mais la durée moyenne est sensiblement la même pour les trois catégories de naissain allant de 49 jours pour le captage, 45 jours pour les diploïdes et 48 jours pour les triploïdes.

Le taux de mortalité instantanée maximum observé au cours de la période à risque est très généralement celui observé au premier constat sauf dans 4 cas sur 9 pour les lots diploïdes de captage et d’écloserie, et dans seulement 1 cas sur 9 pour le lot triploïde.

Au final pour le lot de captage, de 2009 à 2012, le taux de mortalité cumulée en fin de première année d’élevage se situe entre 80% et 85%. En 2013, il a atteint même 90%. Puis, en 2014, une forte diminution est constatée puisque ce taux descend à environ 65% mais il ne cesse d’augmenter depuis chaque année atteignant de nouveau 80% au cours de cet été 2017.

Pour les lots d’écloserie, une beaucoup plus grande variabilité est constatée mais la tendance générale pour les lots diploïdes tend vers une diminution régulière du taux de mortalité cumulée avec parfois de très forts gains de survie pour les lots 2011, 2015 et 2017 (taux de mortalité < 50%). Pour les lots triploïdes, cette variabilité est encore plus exacerbée avec des taux de mortalité cumulée partant de plus de 90% en 2009 et atteignant 60% en 2011. Les lots de 2012 et 2013 semblaient plus fragiles avec des taux de mortalité cumulée repartant à la hausse et atteignant 80% en 2013. Enfin le lot 2014 semble retrouver une plus grande robustesse avec un taux de mortalité cumulée inférieur à 40% mais la tendance repart à la hausse pour les lots 2015 et 2016 (60%). Quant au lot 2017, il semble particulièrement résistant puisqu’à la dernière évaluation de cet été 2017, son taux de mortalité cumulée n’est que de 25% soit le plus faible jamais observé sur ces 9 années de suivi.

Notons toutefois que pour ces lots d’écloserie, et les triploïdes en particulier, des pertes perdurent en automne et hiver de la première année d’élevage qui, de manière progressive, tendent à faire augmenter les taux de mortalité cumulée de seconde année.

Évolution des mortalités à St Vaast-La-Hougue (côte est du Cotentin) de 2009 à 2017.

Les suivis sur la côte est du Cotentin, à St Vaast-La-Hougue ont été initiés, à partir de 2010 (8 années).

Les premiers constats de mortalité sur les lots suivis sont systématiquement postérieurs à ceux de la côte ouest avec un décalage minimum de 15 jours mais plus généralement d’un mois. Ainsi, ces premiers constats sont réalisés entre début juillet et début août. L’un des facteurs pouvant expliquer ce décalage serait  la dynamique de réchauffement des masses d’eaux qui diffère entre les deux côtes, les masses d’eaux de l’est Cotentin se réchauffant plus lentement que celles de l’ouest Cotentin (voir le bulletin HYDRONOR).

C’est généralement le lot de captage qui subit les premières pertes, sauf dans de très rares cas, comme en 2010, avec un premier constat de mortalité sur le lot diploïde. Sinon, systématiquement, lorsqu’ils présentent de la mortalité, les lots d’écloserie subissent ces mortalités après le lot de captage.

Si, comme sur la côte ouest du Cotentin, l’intensité des mortalités varie en fonction des années au premier constat, celle-ci reste néanmoins toujours inférieure à celle de la côte ouest. En effet, le taux de mortalité instantanée moyen interannuel à l’apparition du phénomène est de 37% pour le lot de captage, et respectivement 26% et 32% pour les lots d’écloserie diploïdes et triploïdes. Il est alors possible de considérer le secteur de St Vaast La Hougue étudié comme moins impacté par les mortalités de naissain que le site de Blainville sur Mer qui est un secteur accueillant de très nombreux lots de naissain chaque année.

Ainsi, la durée du phénomène dans ce secteur est plus courte avec en moyenne une période d’expression de mortalité de 20 jours pour le lot de captage, 24 jours pour le lot diploïde d’écloserie et 17 jours pour le lot triploïde d’écloserie. Notons que sur les 8 années étudiées, il y a toujours eu constat de mortalité sur le lot de captage (mortalité instantanée >10%) mais que certaines années, les lots d’écloserie n’expriment pas de mortalité instantanée ( supérieures à 10%). C’est le cas en 2012 et 2017 pour les diploïdes et en 2011, 2012, 2014 et 2017 pour les triploïdes.

Les taux de mortalité cumulée sont alors plus faibles sur ce secteur de l’est Cotentin. Si, en 2010, le lot de captage atteint 70%, ce dernier se situe globalement autour de 60% les autres années, exception faite de l’année 2012 pour laquelle la mortalité cumulée ne dépasse pas 50%. Pour les lots d’écloserie, une beaucoup plus grande variabilité est là encore observée avec une fluctuation interannuelle de grande amplitude allant de 70% en 2010 à moins de 20% en 2017 pour le lot diploïde et de 60% en 2010  à 11% en 2017 pour le lot triploïde.

Caractérisation des lots de naissain étudiés et des sites d’élevage.

De très nombreux facteurs entrent en ligne de compte dans l’importance du phénomène de mortalité au niveau des secteurs ostréicoles. La présence avérée du virus dans les lots mis en élevage, la virulence du pathogène qui semble elle aussi varier selon certaines observations scientifiques, l’importance des transferts et des quantités de naissain introduites, les conditions hydrodynamiques des secteurs favorisant plus ou moins la contamination intra-site et inter-site, la robustesse des huîtres en fonction de leurs caractéristiques génétiques ou en fonction de leur historique d’élevage, voire les conditions environnementales et météorologiques sont autant de points qui, variant chaque année, rendent difficile une lecture directe des tendances.

Cependant, sans avoir la prétention d’expliquer précisément chacun de ces points, le type d’observation mis en place ici renseigne sur quelques éléments.

En ce qui concerne les sites étudiés dans ce suivi, force est de constater que les secteurs de Blainville sur Mer et de St Vaast La Hougue sont impactés par les mortalités de naissain. Mais, d’une manière récurrente, le site de la côte ouest semble particulièrement touché. Une des explications repose sans doute sur l’importance des introductions de lots de naissains variés, le site de Blainville sur Mer étant particulièrement dense de ce point de vue.

Ces suivis montrent également que sur la période 2009 à 2013, la mortalité du lot de captage était stable et importante sur le site de Blainville. En 2014, le phénomène a semblé être moins intense mais depuis, il tend à revenir à des niveaux proches de ceux observés initialement, avec en 2017, un caractère particulièrement brutal. Sur la côte Est, les pertes relevées semblent en diminution de 2010 à 2012 mais restent stables et conséquentes depuis. Les diagnostics réalisés sur ces lots depuis 2011 montrent que cette origine était initialement porteuse de virus avec un risque avéré de développer la virose (hors contamination extérieure) jusqu’en 2014 mais que depuis, ce risque a diminué, ce qui pourrait éclairer sur l’importance de la contamination horizontale existant dans les secteurs et/ou la robustesse de ces lots et/ou la plus ou moins grande virulence du virus.

Avec les lots d’écloserie, une très grande variabilité de survie est constatée. Ces variations peuvent être considérées comme révélatrices de la sensibilité plus ou moins importante de ces lots face à une contamination dans un secteur impacté. En effet, depuis la mise en place des outils diagnostics optimisés, les résultats ont montré que ces lots, directement issus de nurserie sans passage en mer au préalable, présentaient un risque faible de développer la virose (Résultats concernant l’isolement de lots de naissain). Ainsi, les taux de mortalité obtenus dans ce suivi sont à la fois le reflet des succès ou insuccès des efforts de sélection mis en place en écloserie et de la réponse de ces lots face à l’importance de la contamination dans les secteurs concernés.

Notons enfin que, lors du suivi en seconde année d’élevage, certains lots présentent parfois une mortalité non négligeable, notamment avec les triploïdes.

La situation en 2017.

Si l’on considère le lot de captage, les observations invitent à la plus grande prudence quant aux pratiques à risques car le phénomène de mortalité est loin d’être atténué. La production  ostréicole du cycle initié en 2017 sera une fois de plus touchée.

Quant aux productions d’écloserie, certains lots semblent particulièrement robustes mais la diversité des lots étudiés ici est très faible. Les travaux développés dans le cadre inter-régional avec les autres centres techniques renseigneront plus largement sur l’état actuel des performances des produits d’écloserie dans leur diversité.

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