Un indicateur d’évaluation de « capturabilité » des palourdes

Publié le 5 novembre 2019 | Mer & Littoral, Nos travaux |

Facile à pêcher et relativement abondante, la palourde fait l’objet d’une pêche professionnelle et de loisir sur la façade ouest du département de la Manche. Avec  des densités amplifiées par les apports de la palourde japonaise provenant des élevages, cette ressource (palourde européenne + japonaise) est pêchée parfois massivement lors des marées de moyennes vives eaux pendant lesquelles des milliers de pêcheurs se concentrent sur l’estran. Sur certains sites, cette pratique peut contribuer à une diminution des densités comme constaté à la pointe d’Agon (50, Manche) ou à Gouville-sur-mer (50, Manche). Des mesures de gestion sont mises en œuvre : taille minimale de capture à 4 cm, quota maximum journalier de 100 palourdes pour les amateurs. Toutefois, le suivi des stocks reste indispensable. En plus des indicateurs traditionnels basés sur la technique des quadrats, difficile à mettre en œuvre pour une espèce à faible densité et répartie de façon hétérogène, un indicateur de capturabilité des palourdes est mis en œuvre par le SMEL et l’association AVRIL (Association pour la Valorisation du recyclage et l’Information Locale)dans le cadre du programme d’étude RS2S (Reconstitution d’un stock de bivalves, mise en place d’indicateurs de stocks et de Vigie des Havres) financée par l’Agence de l’Eau Seine Normandie. Les premiers résultats sont encourageants mais les limites des sciences participatives sont mises en évidence.



Une gestion de la ressource en palourdes nécessaire

La palourde européenne présente sur la façade ouest du Cotentin a toujours fait l’objet d’une pêche de la part des populations locales, mais depuis une trentaine d’années, l’espèce japonaise, importée via les élevages, s’est développée et représente aujourd’hui plus de 95% des populations de palourdes. Espèce facilement accessible en relativement grande quantité, elle fait l’objet d’une pêche de loisir et professionnelle intensive drainant des pêcheurs prêts à faire plus d’une heure de route pour venir exercer leur activité. Cette grande attractivité peut conduire localement à une forte diminution des stocks et peut nécessiter la mise en place d’une gestion de la ressource.

L’ensemble du stock de palourdes disponible sur l’estran

La palourde vit enfouie dans les sédiments plus ou moins graveleux parfois vaseux, et ainsi accepte une grande variabilité de substrat meuble. Pour autant, on la retrouve uniquement sur l’estran qui découvre lors des coefficients de marée compris entre 50 et 90; sur la côte Ouest du Cotentin, elle est présente entre environ 2 et 4.5 mètres de hauteur bathymétrique. D’une répartition assez hétérogène, la densité des palourdes de taille supérieure à 4 cm (dite « pêchable ») est généralement de quelques individus et dépasse rarement les 10 individus par m². Ainsi, bien que l’ensemble du stock de palourdes sur ce secteur soit disponible à la pêche lors de toutes les marées supérieures à 90, l’évaluation des stocks reste complexe et demande un effort d’échantillonnage important.

Plusieurs méthodes pour évaluer un stock

L’utilisation d’une démarche traditionnelle d’évaluation des stocks passe généralement par la mise en place d’un protocole scientifique assez lourd et couteux à mettre en œuvre, en particulier dans les secteurs hétérogènes en faible densité. Bien qu’indispensable, cette évaluation doit être complétée de façon plus régulière par des indicateurs qui associent les pêcheurs eux-mêmes. Une démarche participative peut alors être mise en œuvre par le biais de Captures Par Unité d’Effort (CPUE) mais aussi en intégrant toutes les données issues des associations de pêcheurs plaisanciers et professionnels.               

Une démarche participative mise en œuvre

Cet indicateur apporte une information relative à la pêche des palourdes. Cette donnée va permettre d’apprécier la « capturabilité » des palourdes par secteur et d’évaluer son évolution dans le temps. L’acquisition de ces informations se fait à l’aide d’une démarche participative faisant appel aux pêcheurs de palourdes. Cette dernière doit être volontaire, anonyme et simple à mettre en œuvre afin d’obtenir une large adhésion et une grande participation. Cette donnée est spécifique d’un secteur. Deux campagnes par an (printemps et automne) sont mises en œuvre afin de prendre en compte la variabilité temporelle de la présence en palourdes. Un nombre important de pêcheurs volontaires sur chaque secteur est indispensable à une telle démarche.

La communication avec les pêcheurs se fait notamment par le biais des associations locales de pêcheurs à pied (APP2R, APAM…) ainsi que par la presse. La présence de personnels à quelques cales d’accès à la mer lors des premiers jours de marée permet d’étoffer le nombre de participants. A cette occasion, des fiches sont distribuées incluant les données importantes à collecter : date, cale d’accès, engin de pêche, heure de la première palourde pêchée, heure de fin de pêche, nombre de palourdes de 4 à 5 cm, de 5 à 6 cm et supérieures à 6 cm, nombre de pêcheurs dans un rayon d’une cinquantaine de mètres (approximativement), leur fréquentation des zones de pêche à la palourde. A l’issue de cette première étape, les informations sont retranscrites dans une base permettant la bancarisation et le traitement des données.

Un indice basé sur la quantité et sur la qualité des paniers

Le calcul de cet indice est basé sur les captures par unité d’effort, il sera exprimé en nombre de palourdes par heure de pêche effective (quantité). L’indice représente la moyenne pondérée des indices des pêcheurs participant à l’opération pour chaque secteur. En aucun cas cet indice ne doit être utilisé pour réaliser des extrapolations des captures totales. 

Associée à cet indice, une répartition (en %) en classe de taille est demandée (qualitatif), cette répartition permettra de fournir une indication sur la taille des palourdes pêchées : 4 à 5 cm, 5-6 cm plus de 6 cm. Afin de faciliter la lecture et l’interprétation des résultats cette répartition sera classifiée en A, B, C, D et E.

Ces indices n’ont pas de « valeur biologique », les tailles choisies le sont au regard de la facilité de mise en œuvre par rapport à une démarche participative.

Privilégier l’évolution de la tendance, plutôt que le résultat instantané

Les résultats bruts peuvent être analysés directement mais il sera plutôt privilégié d’observer l’évolution d’un secteur par rapport aux années précédentes d’une part et par rapport aux autres secteurs d’autre part. Une évolution négative d’un secteur par rapport aux autres pourrait être la résultante d’une surexploitation si celle-ci est constatée. Une tendance générale de l’ensemble pourrait être une expression d’une forte pression globale mais peut être également d’une pathologie, d’un dérèglement environnemental ou d’un mauvais recrutement.

Une amélioration globale de l’indicateur

Après 6 campagnes, la participation est assez variable en fonction de différents facteurs : par exemple, en période de très fort coefficient de marée (>100), les pêcheurs se tournent préférentiellement vers d’autres espèces (bouquets, praires, crustacés…) ; lorsque la météo est défavorable, le nombre de pêcheur diminue sensiblement… Néanmoins, la participation peut atteindre une centaine de participants pour les 5 ou 6 secteurs concernés (le secteur de la Pointe d’Agon est  fermé depuis 2018). Les résultats montrent une évolution favorable des rendements moyens atteignant en moyenne une cinquantaine de palourdes (>4 cm) par heure de pêche et par personne. Les vitesses les plus élevées sont observées à Blainville-sur-mer en Mai avec près de 69 palourdes/heure et à Gouville-sur-mer en septembre avec 85 palourdes/heure.

L’indicateur concernant la répartition des classes de taille dans le panier montre uniquement des indices C et D (C : entre 20 et 50% de palourdes supérieures à 5 cm – D : 20 % maximum de palourdes supérieures à 50 mm).

Capture des palourdes par unité d’effort sur chaque secteur.

Globalement, il semble que la « capturabilité » des palourdes s’améliore. Le site de Coutainville qui était classé en rouge en 2015 et 2016 est repassé en vert grâce à des rendements plus élevés en 2018 et 2019. D’autre part, le site de Gouville-sur-mer classé en orange en Juin 2016 et Mai 2018 est repassé en vert par une augmentation de taille des palourdes.

Le panier moyen montre également une amélioration au cours du temps. En 2015 et 2016, les pêcheurs capturaient en moyenne 50 palourdes par jour, ce chiffre augmente pour atteindre 68 palourdes par jour en Mai 2018 et 80 palourdes par jour en 2019.

Indice de taille des captures de palourdes sur chaque secteur et classification des secteurs (vert, orange et rouge).

Les limites d’une démarche participative

La relativement faible participation en juin 2019, a conduit à une légère évolution de la méthodologie. Ainsi en septembre 2019, au lieu d’attendre un retour des données par les pêcheurs eux-mêmes,  les comptages ont été réalisés directement à la remontée des pêcheurs en présence d’un référent. Des différences peuvent alors être observées sur le nombre de palourdes réellement  pêchées, qui dépasse 100  dans 25% des paniers, sur la présence de sous-taille et la surévaluation de la taille. L’intérêt d’un comptage sur site est également d’intégrer l’ensemble des profils de pêcheurs alors que la méthode précédente cible davantage des profils plus « concernés » par la démarche. En septembre 2019, 1 seul refus de comptage a été enregistré pour 92 comptages réalisés.

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