Le drone pour la cartographie des hermelles en Normandie.

Publié le 22 août 2019 | Mer & Littoral, Nos travaux |
Les bioconstructions d’hermelles présentent des intérêts écologiques importants dont l’augmentation de la biodiversité. A ce titre, la Communauté Européenne l’identifie dans deux directives : la Directive Habitat Faune-Flore (DHFF) et la Directive Cadre Stratégie pour le Milieu Marin (DCSMM). Dans le cadre de ces directives, la France a l’obligation de suivre l’état de santé de ces constructions. Les évaluations de la qualité de ces habitats sont généralement réalisées par des suivis stationnels (évaluer l’évolution des hermelles station par station) et/ou surfaciques (évaluer l’évolution des surfaces couvertes). Ces habitats représentent un enjeu à gérer par les collectivités territoriales en relation avec la pression touristique et de la pêche à pied.


Des bioconstructions permanentes et d’autres cycliques (ou temporaires)

Historiquement, les plus grands récifs européens d’hermelles à Sabellaria alveolata sont présents dans la Golfe Normano-breton (récif de Champeaux et récif de Saint Anne), mais cette espèce s’étend sur près de 60 km sur la façade Ouest du Cotentin de Saint-Jean-le-Thomas à Saint-Germain-sur-Ay. Schématiquement, deux secteurs distincts sont identifiables avec des dynamiques différentes : Le secteur Sud allant de Saint-Jean-Le-Thomas à Granville dispose de constructions que l’on pourrait qualifier de permanentes alors qu’au nord de Granville ces constructions peuvent être qualifiées de temporaires ou cycliques. En effet, les apports de larves issues des constructions situées au sud de Granville n’atteignent que ponctuellement le secteur Nord en fonction de l’orientation des vents qui influent sur les courants.

L’apport du drone permet une meilleure précision

Depuis les apports massifs de larves et l’implantation de récifs entre 2008 et 2010 sur le secteur Nord, le SMEL réalise un suivi surfacique tous les 4 ans. Initialement, ce suivi a été réalisé manuellement à l’aide de l’othophotographie régionale et des détourages sur le terrain à l’aide d’un GPS, l’aide d’une tablette tactile/GPS a permis pour la campagne de 2014 d’être plus efficace. En 2019, l’utilisation du drone permet d’améliorer la précision et de bancariser les orthophotographies réalisées. Toutefois, le drone ne permet pas de photographier d’aussi grandes surfaces que l’avion, ainsi, il faut dans un premier temps déterminer les secteurs sur lesquels les vols seront effectués. Pour cela, une campagne de repérage est réalisée sur l’ensemble des sites où les hermelles sont susceptibles d’être présentes. Cette campagne est réalisée en quad pour couvrir rapidement de grandes distances. A partir de ce repérage, les plans de vols sont établis secteur par secteur, lorsque les coefficients de marée sont suffisamment importants (min 90-95), et que la météo le permet (pas de pluie, vent faible). Les vols sont réalisés à une altitude de 100 m, ce qui permet de disposer de photographies ortho-géo-référencées d’excellente qualité (pixel de 4 cm environ, contre 20-50 cm en avion). Un détourage manuel est effectué ;  travail assez fastidieux mais qui permet une bonne précision. Une dernière étape de validation de terrain est alors effectuée afin de préciser les hauteurs des constructions de chaque parcelle détourée, le taux de recouvrement, la fragmentation, l’état de conservation ainsi que la présence de faune ou flore fixée. La plus grande précision obtenue par le drone, permet des détourages très précis et d’une façon générale diminue les surfaces par rapport à un détourage pédestre.

En 2019, évolution importante  dans les bioconstructions d’hermelles sur la côte ouest du Cotentin

Après le développement massif observé entre 2008 et 2010, la cartographie réalisée en 2014 avait permis de montrer une dégradation des bioconstructions au nord de Granville mais avec des surfaces restant importantes (140 ha). En 2019, nous avons constaté une disparition complète des bioconstructions sur ce secteur (Granville à Saint-Germain-sur-Ay), seules quelques traces de récifs anciens sont encore visibles là où les récifs étaient les plus massifs (Saint-Germain-sur-Ay, Lingreville) mais les tubes sont vides. Les raisons de cette disparition ne sont pas établies mais la connectivité avec les géniteurs du golfe Normano-Breton n’a sans doute pas pu se faire (vents défavorables). Au sud de Granville, les observations sont contrastées avec une diminution importante de la surface totale par rapport à 2014 (62 ha en 2019 contre 131 ha en 2014 et 89 ha en 2010). Aux abords de Granville, seules quelques traces éparses des bioconstructions sont encore visibles mais très dégradées avec très peu de tubes contenant des sabelles. Entre Saint-Pair-sur-mer et Carolles, on constate une diminution des surfaces et une dégradation des constructions. Au bas des falaises de Champeaux, les constructions sont en bonne santé avec des surfaces relativement stables (petites différences sans doute dues à la méthode). Le récif « historique » de Champeaux montre une dégradation très importante des bioconstructions avec un ensablement massif sur certaines zones.

Développement d’un nouveau récif exceptionnel au large de Champeaux

Parallèlement, à environ 1 km vers le large, des bioconstructions très importantes se développent. Déjà observées en 2014, ces nouvelles constructions orientées NW-SE sur 2 km de long et 0.6 km de large recouvrent des surfaces de 18ha contre 12ha en 2014, soit une augmentation de 50%. Ces bioconstructions florissantes atteignent plus de 2 m au nord de cette zone et peuvent constituer une véritable barrière modifiant ainsi l’hydrodynamisme local. On notera un très fort envasement autour de ces récifs rendant très difficile, voire très dangereux leur accès. Ces constructions pourraient être alors être la cause de la dégradation du récif de Champeaux ou est-ce une modification plus globale du golfe Normano-Breton ? 

L’évolution surfacique, un indicateur à relativiser

L’indicateur surfacique est une recommandation de l’Union Européenne pour le suivi des habitats. Les observations que nous avons recueillies démontrent qu’il faut le relativiser et l’utiliser avec précaution. En effet, il faut distinguer les bioconstructions que l’on peut caractériser de temporaires, puisque ce sont les conditions météorologiques qui vont conditionner la présence ou l’absence d’hermelles, par rapport à des bioconstructions permanentes où d’autres contraintes peuvent faire évoluer les surfaces. D’autre part, la méthodologie utilisée pour cet indicateur va fortement influencer le résultat et les comparaisons ne sont pas toujours aisées. Paradoxalement, la grande précision apportée par l’utilisation du drone, diminue « artificiellement » l’indicateur surfacique. La fréquence est également un facteur important pour une espèce qui peut évoluer très rapidement sur quelques mois. Ainsi, une stabilité dans la méthode est obligatoire pour suivre de façon précise ces habitats.

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