Restauration des herbiers de zostères dans l’ouest Cotentin.

Publié le 26 février 2019 | Cultures marines, Mer & Littoral, Ressources documentaires |

Les herbiers de zostères sont des habitats d’intérêt écologique et économique. La réimplantation de ces herbiers dans des secteurs où ils ont fortement régressé voire disparu (pathologies, activités anthropiques, évolution naturelle) semblerait être d’un intérêt évident pour la restauration d’un habitat majeur.  Les techniques de restauration sont multiples mais elles doivent s’adapter aux conditions environnementales locales. Une pré-étude sur la possibilité de réimplantation de zostères sur la côte ouest du Cotentin a été réalisée en collaboration avec les étudiants du Master Aquacaen de l’Université de Caen mais la mise en pratique se heurte à la réglementation en vigueur sur cette espèce.



Des plantes marines avec des feuilles, des racines et des graines

Les zostères sont des phanérogames marines se développant sur les substrats sableux et sablo-vaseux des zones intertidales et subtidales. Il a été estimé l’existence d’une soixantaine d’espèces de phanérogames marines dans le monde. Ces plantes forment des herbiers comparables aux prairies terrestres ayant les mêmes caractéristiques que les Végétaux Supérieurs terrestres. Elles possèdent un faisceau de feuilles lancéolées, longues de 20 à 120 centimètres, fixé sur un rhizome assez rigide au niveau d’un nœud matérialisant la transition entre la partie aérienne et la partie souterraine de la plante. Les herbiers formés par les zostères sont des niches préférentielles pour de nombreuses espèces, favorisant ainsi la biodiversité.

Une forte diminution des herbiers au cours du 20ième siècle

La diminution des herbiers dans le monde a entrainé la perte de leurs fonctions et de leurs valeurs écosystémiques. Les estimations mondiales actuelles suggèrent une réduction de 30% de la couverture géographique au cours des 30 dernières années. Ainsi, les récentes tendances de l’abondance des herbiers dans le monde évoquent que ces derniers font face à une crise mondiale, avec des taux de perte s’accélérant de 0,9% par an avant 1940 à 7% par an depuis 1990. Les herbiers normands-bretons étaient présents sur toute la façade ouest du Cotentin mais ont subi de fortes perturbations (humaines et naturelles). En effet, les herbiers à Zostera marina de l’Ouest-Cotentin semblent avoir fortement régressé, passant de 884 hectares en 1983 à 156 hectares en 2008, accompagnée d’une extrême fragmentation. Toutefois, la représentation cartographique est différente (enveloppe et détourage) entre ces deux dates et ne permet pas d’obtenir une vision juste de l’évolution récente. Depuis quelques années, les observations sur le terrain semblent plutôt montrer une évolution positive des herbiers dans le secteur ostréicole de Blainville-sur-mer (50, Manche).

Des techniques de restauration variées

Depuis la seconde moitié du XXème siècle, différentes techniques de réimplantation ont étés testées pour la restauration de cet habitat en déclin dans diverses localités à travers le monde avec plus ou moins de succès selon les conditions biotiques et abiotiques. L’utilisation de plaques d’herbier de la taille d’une pelle demeure un pilier des techniques de transplantation végétative. Près de 30% des projets de transplantation de zostères signalés en 1995 utilisaient une méthode avec transfert du sédiment mais cette technique est assez lourde à mettre en œuvre pour de grandes surfaces. Le progrès le plus récent et significatif a été l’utilisation de la cage de plantation. Cette technique a été créée pour éviter une transplantation sous-marine et pour limiter le coût de la restauration. La technique par agrafage permet de maintenir les plants dans le substrat mais demande à évoluer vers un agrafage biodégradable. Cette méthode de plantation est rapide et permet de résister à des courants de marée allant jusqu’à 50 cm/s. Enfin, la méthode par semis peut être également utilisée. Cette technique est plus complexe mais tout aussi fiable et permet de s’affranchir de la réglementation stricte sur les prélèvements des plants.

Une réglementation protectrice très stricte

Les fortes valeurs écologique et patrimoniale de l’habitat ont entrainé des mesures de protections importantes à différentes échelles dans le monde. En Europe, ces herbiers sont classés parmi les habitats menacés dans la « Directive Habitat » (92/43) et sont reconnus dorénavant comme habitats d’intérêts majeurs. De plus, la “Directive Cadre sur l’Eau” (DCE) (2000/60/CE), politique européenne pour la gestion et la protection des eaux, a retenu les herbiers de zostères comme un indicateur de la qualité des écosystèmes aquatiques et des masses d’eaux. Par ailleurs, la Directive Cadre Stratégie pour le Milieu Marin (DCSMM, 2008/56/CE), transposée dans le code de l’environnement (articles L 219-9 à L 219-18 et R 219-2 à R 219-17), établit des règles communes de la politique maritime intégrée de l’Union Européenne pour maintenir un bon état écologique du milieu marin. Dans le cadre de la « Convention OSPAR », les herbiers de zostères sont répertoriés afin de garantir la protection du milieu marin de l’Atlantique Nord-Est. Enfin, les zostères sont protégées par la Convention de Barcelone et de Berne qui en interdit la cueillette, le ramassage, la coupe ou le déracinage des plantes de façon intentionnelle mais également leur détention et leur commercialisation. Ainsi, tout projet de restauration par transplantation doit faire l’objet d’une demande de dérogation auprès du Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel (CSRPN).

Restauration de l’herbier de Saint-Remi-des-Landes

L’herbier de zostères présent sur la commune de Saint-Rémi-des-Landes (50, Manche) a disparu dans les années 30 suite à l’épisode de fortes mortalités qui a décimé l’espèce dans tout l’hémisphère nord. Il ne restait dans les années 1950  que quelques patchs à différents endroits sur l’estran. Des essais de restauration avaient à l’époque été tentés par le Professeur Obaton mais sans succès. La cartographie de Lafond en 1984 indique la disparition totale d’herbiers de zostères dans ce secteur. Aujourd’hui, l’évolution des techniques et le souhait de restaurer un habitat d’intérêt écologique important pourraient en faire un site d’expérimentation. Toutefois, l’évolution sédimentaire depuis la disparition des herbiers (perte des sédiments fins) est un handicap majeur pour l’implantation des racines mais les roches et tables à huîtres présentes pourraient limiter les actions néfastes du courant et de la houle. En l’absence d’autorisation de transplantation, seule l’utilisation de graines peut être envisagée.

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    Protocole pour la restauration de l’herbier Zostera marina sur l’ouest Cotentin

    Berthelot, A., Le Ny, V., Basuyaux O. 2018

    Rapport de projet d’application Master II Aquacaen 2017-2018 / SMEL
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