Épuration de la matière organique en milieu salin

Publié le 6 février 2017 | Mer & Littoral, Nos travaux, Pêche, Ressources documentaires |
Les effluents hypersalés produits par les industries de mareyage ne peuvent être traités par les stations d’épuration urbaines dont le fonctionnement est mis en péril par des salinités supérieures à 2‰. En outre, les données sur une approche industrielle du traitement de ces effluents sont très rares, la principale lacune portant sur les agents responsables de l’épuration naturelle. Une étude a donc été menée pour caractériser les effluents produits sur la zone d’activité de Bréville sur Mer (50) et réaliser un bilan des procédés physico-chimiques et biologiques d’épuration existants dans le but de définir celui à retenir pour une expérimentation en pilote. Trois types d’effluents ont été étudiés: des eaux de lavage de seiches (ELS), des eaux de décorticage de coquillages (EDC) et des eaux de cuisson de bulots (ECB). Des contraintes socio-économiques ont conduit à mettre l’accent sur l’eau de lavage de seiches.


Épuration.

Caractérisation de l’eau à chaque étape de la préparation de la seiche.

Des effluents aux caractéristiques très différentes

La caractérisation physico-chimique des effluents s’est portée sur les diverses étapes de traitement de l’eau de décorticage de coquillages (cuisson / séparation noix-coquille / retrait des impuretés / congélation) de l’eau de lavage de seiches (trempage ou décongélation (1) / éviscération (2) / enlèvement des dernières peaux(3) / rinçage final(4) (tab.1)) et de l’eau de cuisson de bulots (bain de cuisson). L’ECB s’est avérée la plus chargée en matière organique (MO) avec 40 g/l de DCO (Demande chimique en oxygène) contre 8.5 g/l pour l’ELS et 2 g/l pour l’EDC. Les trois effluents sont riches en protéines mais l’ECB est aussi riche en glucides. Les teneurs en ammonium, nitrite et nitrate sont faibles. La salinité est très variable: EDC≤ 5‰; ELS = 30‰ ; ECB ≤ 90‰. Les flux issus des différentes étapes de traitement ont été estimés.

L’épuration par procédés physico-chimiques inadaptée

L’évaluation de l’intérêt potentiel de procédés physico-chimiques a montré que la floculation permet une très bonne décoloration de l’effluent (ELS) ainsi qu’une bonne élimination de la matière organique particulaire mais pas de la matière organique dissoute. Son coût de fonctionnement est élevé (8€/m3 traité). L’écumage en prétraitement permet de réduire le volume de floculant de 30%. La flottation assure aussi une décoloration, quoique incomplète, et un abattement de la DCO de 15 à 30%; ce procédé produit une quantité importante d’écume et n’est dons pas adapté au traitement des ELS.

Épuration.

Colonisation des bactéries sur les fibres de polyamides, 28 jours après l’ensemencement : observation par microscopie électronique à balayage (×1500)

L’épuration par procédés biologiques à bactérie fixée efficace mais instable

Préalablement aux essais d’épuration biologique, le potentiel de dégradation de la matière organique et du pigment (mélanine) par les 30 souches bactériennes présentes dans l’ELS a été évalué. Parmi ces souches, 17 montrent une bonne croissance aux diverses températures et salinités testées et une capacité à dégrader la matière organique. 7 sont capables de nitrifier et 7 sont capables de dénitrifier. Composé d’une sélection de 16 souches, un inoculum de 15 l a été utilisé pour ensemencer 2 réacteurs pilote à lit bactérien fixé, alimentés et aérés par le bas : l’un de 240 l rempli de biosphères, l’autre constitué de deux unités de 50 l contenant 11 biosphères chacune. Les bactéries ont colonisé les supports (photo 1) en 3 à 4 semaines de montée en charge et un bon potentiel de dégradation de la matière organique a été observé (rendement de 60% dès l’apport d’effluent).

Une 2ème série d’essais (pilotes à bactéries fixées) a été réalisée afin d’optimiser les conditions de traitement des effluents. Elle a permis d’atteindre des rendements d’épuration proches de 100 % en 3 mois de fonctionnement, avec une décoloration totale de l’effluent. En régime stationnaire, les charges traitées sont de 3 à 4 kg DCO/m3/j avec toutefois une grande sensibilité du système aux variations de charge. Ceci conduit à recommander un réacteur de 45 à 60 m3 pour épurer 100 m3/j en régime stationnaire avec une charge de 179 kg DCO/j. En outre, des traitements secondaires (décanteur) et tertiaire (UV…) sont nécessaires. Le coût total d’un tel procédé est estimé à 300 k€.

Le traitement biologique idéal par boue activée

Dans ce système, les bactéries sont libres et forment une boue, la séparation de l’eau traitée en sortie est réalisée par une membrane filtrante. Ce traitement a montré une bonne dégradation de la MO de l’ELS. Des concentrations satisfaisantes en boues sont obtenues après 2 mois de montée en charge et la nitrification est obtenue après 3 mois. Les charges traitées sont alors de 2 à 3 kg DCO/m3/j, avec un rendement de 95 à 100 %. Néanmoins, les variations rapides de la teneur en oxygène perturbent le fonctionnement (arrêt de la nitrification pour les teneurs basses, perte de boues par débordement en cas d’aération trop forte). Le coût de ce procédé est évalué entre 450 et 800 k€ pour 100 m3/j. Des essais effectués sur l’ECB avec le même inoculum ont donné un rendement de 80 à 90 % en 8 j. Les charges massiques sont de 0,2 kg DCO/kg MES/j (MES: matières en suspension), ce qui représente un réacteur de 25 m3 à 20 g MES/l pour traiter 100 kg de DCO, soit l’équivalent de 3 t de seiches ou 1,3 t de pétoncles ou 17 t de bulots. Les quantités de boues produites ont été évaluées pour les divers types d’effluents. Leur épandage n’étant pas réglementaire, leur compactage puis leur incinération sont à envisager.

Un test à grande échelle pour en évaluer la réalisation technique

En conclusion, l’épuration biologique par lits bactériens ou par boues activées permet, contrairement aux procédés physico-chimiques, de dégrader la matière organique des effluents produits par les activités de mareyage. Un pilote industriel à boues activées (1 m3), installé pendant 5 mois sur le site de Bréville-sur-mer, a montré des performances similaires (OTVind.). Les boues activées avec séparation membranaire fonctionnent mieux en régime fluctuant et fournissent un rejet exempt de bactéries. Ces résultats ont permis d’envisager dès 1999 la construction d’une station d’épuration traitant les rejets de la zone d’activité de Bréville-sur-Mer.

Bréville-sur-mer, une première réalisation en Europe

Cette phase de recherche suivie d’une phase de développement  et d’application ont permis d’envisager, dès l’année 2000, la construction d’une station d’épuration traitant les rejets de la zone d’activité Logimer de Bréville-sur-Mer dans le département de la Manche (50). Les concertations ont abouti en 2001 à la construction d’une station d’une capacité de 8000 eq./hab. qui  fonctionne 7j/7j, apte à traiter un flux de 2000 m3 par semaine, en s’adaptant à la saisonnalité des produits de la mer et aux différents rythmes d’activité journaliers. Le montant de l’investissement est d’environ 2 millions d’euros.

Les rendements d’épuration se révèlent excellents même lors des changements d’effluents à traiter avec une concentration en matière organique finale de 55 mg/l de DCO et une quasi absence de coloration, par contre le stockage préalable des effluents engendre une forte odeur.

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    Épuration de la matière organique en milieu salin.

    Olivier Basuyaux, Stéphanie Petinay & Olivier Richard. 1998.

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